Elus au CSE et au comité d'entreprise européen du groupe de verrerie Lowens Illinois, Franck Ellie et Stéphane Leroy portent un regard sévère sur le fonctionnement du comité social et économique. Employés dans un secteur -la verrerie industrielle- où la pénibilité est forte, les deux hommes, également délégués syndicaux CGT, critiquent les projets de certains candidats à la présidentielle sur le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite.
Représentants du personnel
Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux. Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.
Quand nous l'appelons pour la première fois, le 24 février, dans l'usine de fabrication du verre dans le bordelais appartenant au groupe Lowens Illinois où il travaille au service qualité (*), nous demandons à Franck Ellie si les salariés du site parlent de la présidentielle. "J'échange beaucoup avec les élus. Franchement, personne n'en parle de la présidentielle. Tout le monde me paraît un peu désabusé sur le sujet. Ce matin, par contre, tout le monde parlait de la guerre en Ukraine", répond celui qui fut longtemps le secrétaire du comité d'entreprise. Devenu représentant syndical CGT au CSE et membre du comité d'entreprise européen, il coache le nouveau secrétaire du CSE, en plus de son mandat de délégué syndical.

Dans ce site de 255 salariés, le CSE compte 10 élus (dont 8 CGT), "trois fois moins que ce que nous avions avec les trois instances séparées CE, CHSCT et DP". Franck Ellie mesure les effets du passage à une instance unique non seulement sur les débats lors des réunions du comité mais aussi en matière d'activités sociales et culturelles. Pour les réunions du CSE, qui mêlent donc les questions économiques et celles relatives aux conditions de travail, c'est simple, nous dit-il : "Tout va beaucoup plus vite. Pour traiter tous les points à l'ordre du jour, la direction escamote les débats. On passe tout en accéléré. Ce n'était pas le cas du temps du CE et du CHSCT, nous avions davantage de temps pour les débats". Franck Ellie explique également que les élus doivent faire un résumé de la réunion, sans pouvoir détailler les réclamations et les réponses apportées à ces questions, alors qu'auparavant outre le registre des délégués du personnel, le PV du CE était un déroulé fidèle des propos tenus en réunion.

En outre, les remontées du terrain sont compliquées à obtenir avec moins d'élus au contact des salariés dont les cycles de travail (travail de nuit par exemple) ne favorisent pas le rassemblement et les échanges. Ce n'est pas mieux concernant la gestion des activités sociales et culturelles, un domaine jugé important par ce comité qui possède 5 appartements. "Nous avons dû mal à tenir les permanences du CSE. Nous avons une majorité d'élus qui travaillent en posté, avec des horaires pas évidents : impossible de faire une permanence après avoir travaillé la nuit. Chez nous, on travaille par exemple de 20h à 4h du matin", nous dit le syndicaliste, préoccupé par la difficulté de l'équipe d'élus à rester au contact des salariés, non seulement pour les activités de loisirs, mais aussi pour échanger sur les conditions de travail, par exemple. "Faute de permanences, les salariés ne retrouvent pas le service qu'on leur proposait avant au niveau des oeuvres sociales", regrette Franck Ellie.

Stéphane Leroy, membre du comité d'entreprise européen de Lowens Illinois et délégué syndical central CGT, s'inquiète pour sa part d'un relèvement de l'âge de départ à la retraite, les 65 ans ayant été évoqué par Valérie Pécresse (LR) comme par Emmanuel Macron : "Nos rythmes sont éprouvants, nos conditions de travail pénibles. Nous travaillons dans la chaleur, les vibrations, dans un environnement d'huiles volatiles. Avec la métallurgie, les verreries sont aujourd'hui l'un des secteurs industriels les plus difficiles. A notre place, vous vous voyez travailler jusqu'à 65 ans ? Et je ne vois pas les candidats à la présidentielle beaucoup parler de pénibilité, ni des reconversions ou reclassements indispensables. Ce serait bien que les candidats regardent ces points en profondeur". Le délégué ajoute, pour montrer qu'il ne demande pas la lune, qu'il faudrait conserver le système actuel ("départ à 60 ans voire 62 ans") avec un système de carrière longue pour les salariés ayant travaillé sur des métiers pénibles.

Interrogé sur les préoccupations des salariés, Stéphane Leroy met en avant le pouvoir d'achat mais aussi l'emploi et son évolution ces dernières années : "J'ai 35 ans d'ancienneté. Je suis entré dans l'entreprise en 1987. A Vayre, nous étions 580. Aujourd'hui, nous ne sommes plus que 250. Il y a eu de la modernisation, d'accord, mais nous avons surtout eu une progression de l'emploi précaire. La production n'emploie plus que 140 personnes, mais nous avons tous les mois environ 30 intérimaires. Nous subissons régulièrement des plans de licenciement, et les emplois permanents détruits soit ne sont pas sont remplacés, soit sont remplacés par de l'intérim". Ce mode de gestion des ressources humaines a, selon le syndicaliste, dégradé la performance de l'usine du fait d'un manque de formation et de transmission des compétences. "L'entreprise n'a pas assez investi en France pendant 8 ans, et c'est un retard accumulé qu'il nous faut rattraper", dit l'élu du comité d'entreprise européen.
Ce dernier, qui observe avec inquiétude le désintérêt des jeunes élus de CSE pour la politique, craint une forte abstention à la présidentielle : "Avant, nous avions parfois des débats parfois houleux sur la politique, mais aujourd'hui, c'est comme si tout le monde était devenu plus réservé, plus prudent sur le sujet".
(*) Cela ne s'invente pas, cette verrerie industrielle est située à.. Vayres (33). Les interview ont eu lieu par téléphone et en visio le 24 février et le 11 mars.
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